Michel Jonval, traducteur
le présent bulletin met en exergue le travail de Michel Jonval qui, entre les deux guerres mondiales, a traduit en français, et donc a fait connaitre, les dainas, chansons mythologiques lettones.
LV
Gilles Dutertre
4/29/20254 min lire


Un des grands artisans de la connaissance de la culture française en Lettonie entre les deux guerres fut un jeune linguiste arrivé à Riga en 1927, Michel Jonval (1902-1935) ; il deviendra surtout un des promoteurs de la culture lettone en France.
Né à Charleville le 9 juillet 1902, Michel Jonval était linguiste, agrégé de l'Université, ancien élève de l’École Normale, secrétaire de l’École nationale des langues orientales. En 1927, grâce à sa connaissance du letton, il devint le premier titulaire de la chaire de Culture et de Langues romanes qui venait d'être créée auprès de l'Université de Riga. Maître de conférences à l'Université de Riga, puis lecteur de letton à l'École nationale des langues orientales vivantes (de 1933 à 1935), il publia en 1929 le premier recueil de Chansons mythologiques lettonnes (sic), les dainas, avec une traduction française. Il décéda hélas le 11 novembre 1935 à Paris à l'âge de 33 ans.
Les dainas sont des chants traditionnels lettons, qui, chantés de génération en génération, sont considérés comme ayant été les vecteurs de la culture lettone au travers des siècles d'occupation et de servage. Les dainas ont été mises par écrit au cours du XIXe siècle principalement par l'écrivain Krišjānis Barons (1835–1923), le “père des dainas”, qui les a collectées (à partir de 1878 alors qu'il résidait à Moscou) puis publiées à partir de 1894. Entre 1894 et 1915, Barons publia six tomes de « Latvju Dainas », qui représentaient exactement 217 996 de ces poèmes typiquement lettons, transmis oralement, généralement par les femmes, depuis mille ans. Mais leur nombre exact dépasse l'imagination ! Ces dainas sont d’ailleurs beaucoup plus qu’une tradition littéraire. Ce sont des chants de résistance et d’affirmation identitaire, reprenant des thèmes et des légendes préchrétiens, au cœur donc de l’identité lettonne.
Les dainas étaient écrites sur des petits bouts de papiers de 3cm sur 11cm, soit qu’on lui envoyait, soit écrits par Krišjānis Barons lui-même, papiers qui étaient rangés dans un cabinet créé exprès en 1880 à Moscou, le cabinet des Dainas (Dainu skapis), transporté en Lettonie en 1893. Les « petits bouts de papier » furent microfilmés dans les années 1940 et scannés en 1997. En reconnaissance du travail de Krišjānis Barons et de la valeur historique du Dainu skapis, ce travail a été inscrit en 2001 au registre de l’UNESCO de la mémoire du monde.




"Petits Bouts de Papiers" et "Dainu Skapis"
Cette initiative de Krišjānis Barons coïncidait avec la période d'éveil national letton (Tautas atmoda); Barons avait d’ailleurs rejoint le mouvement des “Jeunes Lettons” ("Jaunlatvieši" ) dès ses années d'université à Tartu (aujourd'hui en Estonie). Le 27 juin 1873 avait marqué un tournant avec le Premier Festival de chant de Riga. Par la suite, pendant la période de domination soviétique, « la Fête du chant représentait une manifestation politique rassemblant des milliers de gens. Je n’ai jamais compris pourquoi l’Union soviétique ne l’avait pas interdite. Il fallait être sourd et aveugle pour ne pas comprendre qu’en chantant, notre unité et notre pouvoir grandissaient. » (1)
C'est du recueil de Krišjānis Barons que Michel Jonval va extraire les chansons qui se rapportent aux croyances païennes et qu'il publiera avec une traduction française.
Michel Jonval considérait la Lettonie comme son pays d'adoption. Il écrivait dans une revue publiée en français à Riga, principalement sur le folklore : « …… Les chansons populaires ne se lassent pas de célébrer les parures féminines et aussi bien, c'est un des plus jolis costumes d'Europe que celui que porte la Lettone, fait de fine laine ou de beau lin tissé à la main, orné de broderies multicolores, variant à l'infini …... »(2)
Il épousa en 1932 la linguiste Marie-Louise Sjoestedt (1900 – 1940), agrégée de grammaire, elle-même linguiste celtologue, mais décèdera à Paris le 11 novembre 1935, à l'âge de 33 ans.
À noter que, plus près de nous, l’ancienne présidente lettone, Mme Vaira Vike-Freiberga, a effectué des recherches sur la sémiotique (3), la poétique et la structure compositionnelle des textes des dainas. Elle a été l’auteur de sept livres et d'environ 160 articles ou chapitres de livres, et, au-delà, de 250 discours ou communications scientifiques ou générales, publiés en anglais, français ou letton.
(1) Sandra Kalniete, ex-ambassadeur de Lettonie en France, propos rapportés dans La Lettonie et l'Europe : identité nationale et mémoire collective de Béatrice Madiot (Connexions n° 84, 2005/02)
(2) Cité par Xavier Maugendre dans L'Europe des hymnes dans leur contexte historique et musical
(3) Science générale des modes de production, de fonctionnement et de réception des différents systèmes de signes qui assurent et permettent une communication entre individus et/ou collectivités d'individus.
Contacts
Réseaux sociaux du siège
Liens Utiles
LT: anthony@poullain.eu
LV: gilles.dutertre@gmail.com