Le Maréchal Macdonald

Cet article est consacré au Maréchal Macdonald, dont le Corps d'Armée a passé la campagne de Russie (1812) en Courlande, notamment face à Riga.

Gilles Dutertre

8/26/20247 min lire

L’autre grande unité du X e Corps, la 7 e Division, était commandée par le Général de division Charles Louis, baron Grandjean, et était principalement constituée d’unités polonaises (trois régiments polonais, un régiment bavarois, un régiment westphalien). La 1 ère Brigade, polono- bavaroise, était commandée par le Général de brigade Etienne Pierre, baron Ricard, la 2 e Brigade, polonaise, par le Général de brigade polono-lituanien prince Michał Gedeon Radziwiłł, et la 3 e Brigade, polono-westphalienne, par le Général de brigade Gilbert, baron Bachelu. Étienne Macdonald était né le 17 novembre 1765 à Sedan et était le fils d’un gentilhomme jacobite écossais , entré au service de la France sous Louis XV. Par tradition familiale, le futur Maréchal Macdonald s'engagea à 19 ans en 1784 dans la Légion irlandaise. Gravissant tous les échelons, il gagna ses épaulettes d’Officier à la bataille de Jemmapes (6 novembre 1792), puis fut nommé Général de brigade en août 1793, et divisionnaire en novembre 1794, gouverneur de Rome en 1798 et ambassadeur au Danemark en 1801 – 1802. Suite à un différend avec Napoléon en 1804, il entra au service du Royaume de Naples en 1807, mais il rejoignit l’Armée d’Italie deux ans plus tard comme commandant du V e Corps. S’illustrant à la bataille de Wagram (5 – 6 juillet 1809), il sera fait Maréchal d’empire sur le terrain de la bataille, puis créé grand aigle de la Légion d’Honneur (14 août 1809) et duc de Tarente (9 décembre 1809). Le 3 juin 1812, il est nommé commandant du X e Corps en Russie. Le X e Corps d’Armée atteignit Königsberg le 11 mai, puis Tilsit, sur le Niémen, le 29 mai. Les premiers problèmes de ravitaillement, « prévu » sur le dos de la population, se firent jour dès ce moment-là, dans cette région très pauvre.

Le 22 juin commença la construction d’un pont de bateaux qui fut terminé le 23 juin au soir. Traversant le Niémen le 24 juin sans la moindre opposition, le X e Corps franchit la frontière russe à Kutturen (A cette époque, la frontière entre la Prusse orientale et la Russie dans cette région n’était effectivement pas sur le Niémen, mais quelques kilomètres plus au nord.) et atteignit Taurroggen (Tauragė) le 28 juin. Le 1 er juillet, il était à Rossiena (Raseiniai), où le maréchal Macdonald installa son état-major dans une abbaye franciscaine. Telsche (Telšiai) est atteinte le 7 juillet. Le 10 juillet, il s'y déroula une cérémonie, en présence de l’aristocratie locale, des conseils régionaux et des officiers du X e Corps, au cours de laquelle le prince-évêque de Samogitie, Zandrowitsch, délia la population de son lien d’allégeance avec la Russie. Les conseils régionaux firent au contraire allégeance à Napoléon. Le 17 juillet, un détachement atteignit Memel (Klaipėda), et, après le franchissement du fleuve Aa de Courlande (Lielupe), la partie principale du Corps se sépara en deux pour atteindre Mitau (Jelgava) et Liebau (Liepāja).

Au contraire de ce qui se passait au centre, aux ordres directs de Napoléon, la marche de Macdonald fut lente et prudente bien que les Russes, là aussi, se repliaient devant lui. Les combats que le X e Corps mènera seront de faible intensité en comparaison de ceux menés par les Corps d’Armées du centre, de même que les privations et les souffrances. Napoléon demanda d’ailleurs à Macdonald d’effectuer des actions plus agressives. Mais Macdonald, dont les troupes étaient déjà étirées sur 150 km, de Mitau/Jelgava à Jakobstadt/Jēkabpils, préféra rester en Courlande.

Le premier combat eut lieu à Eckau (Iecava, 12 km à l’est de Mitau/Jelgava) le 19 juillet. Ce fut une victoire prussienne de la 2 e Brigade du Colonel von Horn sur la milice et les troupes de dépôt russe du Général Loewis. Cette victoire permit le franchissement de la Düna (Daugava) et les premières patrouilles apparurent sous les murs de Riga. Le Général germano-balte Ivan Nikolaïevitch Essen, commandant les forces de défense russes de Riga et de toute la Lettonie, prit peur et fit mettre le feu aux faubourgs sud de Riga, de façon à ce qu’ils ne procurent pas d’abris aux troupes « françaises ». Mais un fort vent propagea les flammes et une grande partie de la ville brûla (cf. image ci-dessous).

Pendant la campagne de Russie, la situation du X e Corps d’Armée en Courlande et en Latgale,commandé par le Maréchal Étienne Jacques Joseph Alexandre Macdonald, duc de Tarente, a été relativement plus confortable que celle du reste de la Grande Armée qui, après avoir franchi le Niémen à Kaunas, avait pris la direction de Vilnius et, in fine, de Moscou. La campagne de Russie ne fut d'ailleurs évoquée par le maréchal Macdonald dans ses mémoires que dans une dizaine de pages sur plus de 400 !

Le 24 février 1812, la France et la Prusse avaient signé le traité de Paris par lequel la Prusse s’engageait à fournir un contingent de 14 000 fantassins, 4 000 cavaliers et 2 000 artilleurs avec 60 canons pour agir sur le flanc gauche de la Grande Armée face à Riga. Ce contingent prussien formera la 27 e Division d’Infanterie, aux ordres du Général Julius August Reinhold von Grawert. Grawert tombera rapidement malade et sera remplacé par son commandant-en-second, le Général-lieutenant Hans David Ludwig, Graf von Yorck, dont on reparlera ultérieurement.

Le Général Essen fut relevé de son commandement en octobre et remplacé par le Général Filippo Paulucci delle Roncole (La légende dit que l’alarme fut donnée par un guetteur, perché dans la tour de l’église Saint-Pierre, apercevant un nuage de poussière, faisant penser à l’arrivée de l’ennemi. Le fait qu’il ne se serait agi que d’un troupeau de vaches est sans doute un mythe ! Dans ses mémoires, Macdonald raconte sobrement l'incident : « Une reconnaissance que je fis faire au-delà de la Dwina, entre les deux places, jeta l'alarme sur la droite de cette rivière et détermina les généraux russes à incendier le faubourg de Riga …... » .)

En dépit des promesses faites au roi de Prusse, Napoléon rétablit le duché de Courlande. Le 1 er août 1812, deux régents du duché de Courlande furent nommés, l’un recevant la Sémigalle et l’autre la Courlande proprement dite. Leur mission principale était de rassembler toutes les ressources du duché pour assurer le soutien de la Grande Armée.

Tout au long de l’été et de l’automne, les événements se déroulèrent tranquillement pour le Xe Corps. Le 15 août, à l’occasion de l’anniversaire de l’empereur Napoléon 1 er , l’intendant général de Courlande, Auguste Jules Barthélémy de Chambaudoin, donna un grand bal. Ce soir-là, 300 bouteilles de champagne furent bues, ainsi que du vin de Médoc, de Hongrie et de Madère !

  • Un lieutenant prussien, Hartwich, en profita pour faire du tourisme, visitant le château de Ruenthal (Rundāle) le 6 septembre. Outre le château des ducs de Courlande, il nota qu’étaient concentrés là les parcs d’artillerie et du génie du X e Corps. 42 officiers, dont les généraux Darencay et Taviel, et 1 500 artilleurs et sapeurs français logeaient dans les communs du château et dans des cabanes. Il souligne que, dès la nuit du 6 au 7 septembre, il gelait fort à Rundāle. Des mémoires de Macdonald, on retient que le Maréchal regretta d'avoir été « oublié » au cours de cette campagne :

  • On le laissa dans l'indécision quant à l'utilisation des équipages de siège, alors qu'il avait

soumis plusieurs plans pour leur utilisation ;

  • Alors que la Grande Armée retraitait, et que Macdonald proposait les services et le

secours de ses « troupes intactes, bien nourries et chaudement vêtues », on le laissa stationnaire face à Riga. Son expérience de campagnes hivernales passées avait conduit Macdonald à équiper ses troupes de « trente mille pelisses de mouton des paysans polonais et russes ». En outre, dès le mois de juillet, il avait fait « établir des magasins partout ».

  • Mais surtout, ce n'est qu'en quittant Vilnius que Murat, qui avait reçu le commandement de Napoléon, donna l'ordre à Macdonald de se replier sur Tilsit. Daté du 10 décembre, cet ordre ne parvint à Macdonald que dans la journée du 18 ! De Murat, Macdonald dit : « Ce fut un malheur de plus, car ce général, de la valeur la plus brillante, n'était réellement propre qu'à conduire une charge de cavalerie » …...

Par ailleurs, le maréchal nota, à travers les correspondances qu'ils échangeaient, un refroidissement marqué de ses relations avec le Général Yorck. Mais, ajoutait-il, « j'étais loin de m'attendre à la catastrophe qui suivit bientôt après. »

Les colonnes du Xe Corps commencèrent donc à s'ébranler le 19 décembre en direction du Niémen. Le général Yorck commandait l'arrière-garde, à une journée de marche. Pendant le mouvement rétrograde, le thermomètre atteint jusqu'à – 28° Réaumur (- 35° Celsius). Bien qu'un Corps russe tînt les deux rives du Niémen, il fut attaqué par les avant-gardes des généraux Grandjean et Bachelu qui firent « quelques milliers de prisonniers et {prirent} plusieurs pièces d'artillerie ». Le maréchal Macdonald s'établit à Tilsit, prit le contact avec Königsberg, et invita le général Yorck à presser sa marche. Mais Macdonald attendit Yorck vainement. Car Yorck et sa Division avaient déserté. Mais c’est une autre histoire …….

Il y a quelques années, l’Ambassade de France a fait ériger dans le parc du château de Rundāle un obélisque à la mémoire des soldats de la Grande Armée. L’emplacement est judicieux car, on l’a vu, c’est là qu’étaient stationnés les parcs d’artillerie et du génie du X e Corps où servaient les seuls soldats français du Xe Corps d’Armée.