Le Général Maurice Janin
Le dossier de ce mois est consacré au Général Maurice Janin, plus connu en Lettonie qu’en France alors qu’il n’est venu en Lettonie que très brièvement. Mais c’est grâce à lui que le Régiment « Imants » et le Bataillon « Troitsk », qui combattaient en Sibérie à côté plutôt qu’avec l’Amiral russe blanc Koltchak, ont été rapatriés en Lettonie en 1920. Nous vous décrivons ci-dessous cette aventure peu commune.
LVHISTOIRE
Gilles Dutertre
2/28/20255 min lire


Le Général Maurice Janin (1862 - 1946), affecté au Grand Quartier Général de Chantilly pendant la Première Guerre mondiale, fut finalement nommé, le 19 avril 1916, chef de la Mission Militaire Française en Russie. De sa mission de liaison, il retiendra dans son rapport final deux questions majeures : l'entrée en guerre de la Roumanie aux côtés de la Russie sous la pression de la France, et, après l’abdication du tsar le 15 mars 1917, la certitude que l'Armée russe partait à la dérive pour finalement être mise hors-jeu. Janin quitta Petrograd le 8 novembre 1917.
Nommé Général de Division en 1918, Janin fut désigné le 11 août 1918 par le président du Conseil et ministre de la Guerre Georges Clemenceau, pour exercer les fonctions de commandant de l’Armée tchécoslovaque (Légion de tendance socialiste-révolutionnaire) et de chef de la Mission Militaire française en Sibérie. Le général Janin arriva le 16 novembre 1918 à Vladivostok et fut obligé de cohabiter avec l’amiral Koltchak, chef des Armées russes blanches en Sibérie, auto-proclamé « régent suprême », mais leurs relations vont rapidement se détériorer.
Après la prise du pouvoir par les Bolcheviques en novembre 1917, une grande partie des tirailleurs lettons (Lorsque l’Allemagne déclara la guerre à la Russie le 1er août 1914, les Lettons choisirent majoritairement de servir cette dernière. C’est qu’ils comptaient sur la victoire de la Russie, dont les effectifs militaires étaient supérieurs en nombre, pour se débarrasser des barons baltes honnis et de l’emprise allemande. S’étant particulièrement distingués en avril 1915, lors de la reconquête de Mitau / Jelgava, les Lettons obtinrent, par un décret du 13 juillet 1915, de pouvoir constituer des unités autonomes lettones sous commandement et drapeau letton. Dès novembre 1915, ce sont 8 bataillons de 1500 hommes chacun, les tirailleurs lettons, qui vont être formés.) qui servaient dans l’armée impériale choisirent de combattre dans les rangs bolcheviques, Lénine ayant fait miroiter la possibilité d’une indépendance pour la Lettonie. Une autre partie de ces tirailleurs rejoignit les rangs antibolchéviques sur le front nord (général Ioudenitch) ou sur le front est et sud (amiral Koltchak, général Dénikine, général Wrangel).
Certains officiers vont choisir de ne servir ni l'Armée Rouge ni les Armées Blanches, mais décidèrent à l'automne 1918 de former des unités nationales lettones en Sibérie et dans l'extrême Orient russe ; ce seront le Bataillon de « Troitsk » et le Régiment « Imants » (Imants (en Letton) ou Imaut (en Live), nom accordé au Régiment le 11 décembre 1919, était un héros live qui, le 24 juillet 1198, tua le 2ème évêque de Livonie, Berthold, abbé de Lockum (près de Hanovre) venu baptiser les Lives païens par le feu et par l’épée (d’après la Livonian Rhymed Chronicle). A l’occasion d’une bataille (sur la « Senais kalns » ou Vieille colline, à Riga), où les troupes venues de Saxe avaient remporté une victoire complète contre les Lives, Berthold, emporté dans son élan, s’est retrouvé au milieu des fuyards lives et fut tué d’un coup de lance dans les reins par Imants. Le fait que l’on donne le nom d’Imants à un bataillon de tirailleurs lettons plus de 800 ans plus tard tendrait à montrer la haine accumulée par les Lettons contre leurs maîtres germaniques.), créés sous les auspices et avec le soutien de la Mission Militaire française et du Commissaire français en Sibérie, le comte Damien de Martel, futur représentant diplomatique de la France en Lettonie de 1921 à 1924.
Le Régiment « Imants » fut créé le 7 novembre 1918. Son effectif atteint 74 officiers et 1114 cadres et militaires du rang au 31 décembre 1919, 90 officiers, 765 cadres et deux bataillons de 600 hommes chacun au 29 mars 1920. Le régiment portait des uniformes français avec un badge spécifique letton, était doté d’armement français et mangeait français. Les ordres se donnaient en letton et il sera créé une commission pour développer le vocabulaire militaire en letton. Les soldats apprenaient aussi le français et l’anglais. Le Régiment « Imants » assura le service de garnison à Vladivostok, escorta des transports de matériels de guerre, surveilla des dépôts et participa aux patrouilles militaires internationales de police.
Le Bataillon « Troitsk » avait déjà été créé le 14 octobre 1918. En août 1919, le bataillon comptait 625 hommes et était chargé de la garde de gares du Transsibérien.
Voici ce que le général Janin disait des soldats lettons dans Ma mission en Sibérie : « Peu nombreux relativement, c'était un élément énergique et intelligent. Le passé douloureux de leur nation les avait rendus enclins aux doctrines avancées. J'avais vu à Riga en 1917 les légions lettones, troupes superbes et de grand courage ».
Lorsqu’en février 1920 Vladivostok tomba aux mains des Bolcheviques, les unités lettones de Sibérie furent évacuées, avec l’aide de la France et de la Grande-Bretagne, depuis Vladivostok vers la Lettonie, grâce à des rotations de trois navires, étalées sur 6 mois.
Les navires ralliaient d’abord Hong Kong, puis Singapour, le port de Colombo à Ceylan, Aden, passaient le canal de Suez et le détroit de Gibraltar, puis remontaient par le Golfe de Gascogne et la Manche vers la Baltique ! Les arrivées s’échelonnèrent entre le 5 juin et le 5 octobre 1920, trop tard pour participer aux combats de l’indépendance lettone.
A l’arrivée en Lettonie, les plus anciens furent démobilisés. Les cadres et les plus jeunes des soldats formèrent le noyau de la future armée nationale lettone, dont les officiers proviendront par moitié des officiers du Régiment « Imants ». Le régiment en lui-même fut dissout le 1er août 1920.
De son côté, le général Janin fut rappelé en France en avril 1920 ; il rentra avec plusieurs valises contenant des reliques, des documents et des photographies en relation avec la famille impériale russe assassinée à Iekaterinbourg le 17 juillet 1918. Il quittera le service actif le 18 octobre 1924 et décédera le 28 avril 1946 au château de la Serre-Izard, à Saint-Sébastien en Isère, à l'âge de 83 ans. Il était (entre autres) grand-officier de la Légion d'Honneur et titulaire de la croix de 2ème classe de l'Ordre militaire letton de Lāčplēsis.
Le Général Janin et les Lettons en Sibérie


L'amiral Koltchak, à Omsk, entre le Haut-Commissaire de France en Sibérie et le chef de la mission militaire française Général Janin
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